Biographie

Le « Nous » de Marc LEGROS, un univers photographique troublant.

Marc est un personnage intrigant, par sa manière à la fois pudique et terriblement présente. La pellicule comme le photographe se nourrissent du visible. Difficile de qualifier son travail, d’y apposer une étiquette, pas de volonté d’exhiber l’exotisme, l’extraordinaire ou le moche.

Ni abus, ni leurre, ni tromperie. Un peu comme s’il s’entêtait jusqu’à l’épuisement à pénétrer dans son propre royaume ; c’est grâce à la photographie qu’il en trouve peu à peu les clefs et il nous y invite. Rien d’événementiel, juste l’expérience toujours renouvelée de la présence de l’autre dans son quotidien, saisie dans son environnement social, figée dans l’inertie de l’image.

photo_marcDu Cap Nord à Gibraltar, de Verneau à Monplaisir, au coeur du Césame (centre de santé mentale 49) Marc est toujours à la frontière du reportage, de la photographie, du documentaire et du portrait. C’est dans cette singularité à saisir le réel, dans ce croisement des différents genres photographiques que réside toute l’attraction de ses images. Tel « un poète de l’image » migrateur, baroudeur, il sait osciller d’un monde à l’autre, car il s’agit toujours pour lui de mettre en oeuvre une certaine proximité, un face à face photographique. Sa fascination pour les destinations lointaines, il affectionne l’Inde, son pays de prédilection, montre bien sa capacité à outrepasser les écarts, non seulement géographiques, mais aussi sociaux et culturels, pour saisir et partager la vie des hommes. C’est sa manière à lui de traquer, de capturer l’insolite, il s’étonne à chaque pas de l’insignifiant, du soi-disant ordinaire des gens… le monde de Marc est avant tout appréhension des hommes.

C’est peut-être dans un cahier à spirale pour écolier consciencieux ou pour érudit curieux que Marc égrène au fil de ses voyages, de ses rencontres, de ses lectures les notes qui nourrissent sa réflexion et engendrent la création de ses oeuvres. Ces annotations révèlent bien plus ses aspirations, ses doutes, ses rêves et son questionnement incessant sur la nature même de l’art et sur la condition humaine.

Une façon d’intégrer l’art
comme principe de vie.

Il aime confier l’objectif à des inconnus ; ce qui rend les photos surprenantes, avant que les photographes amateurs appuient sur le déclencheur, c’est que Marc se lie d’amitié avec eux. L’émotion de cette reconnaissance se voit dans les regards, fait tomber les masques, donne à ses « acteurs » sérénité autonomie. Une façon de dire, » je viens te rencontrer et veux faire savoir ton « existence »  » ; l’appareil photo est une sorte de passeport… Marc a compris notre fragilité humaine…

Par le biais de son travail, il dévoile quelques-uns des petits cailloux qui ont jalonné son chemin et sa personnalité et l’on constate que l’audace de sa pensée et son engagement intellectuel n’ont d’égales que la timidité et l’humilité de cet homme solitaire. Fortifié par son travail, il milite à sa manière pour l’humanisme, l’idéalisme ; il n’est ni amer, ni désabusé ; l’odyssée photographique de Marc conduit enfin à dire un peu notre condition…

Dans l’évocation de « la recherche du temps perdu », Marcel Proust disait : « la beauté des images est logée à l’arrière des choses, celle des idées à l’avant. De sorte que la première cesse de nous émerveiller quand on les a atteintes, mais qu’on ne comprend la seconde que quand on les a dépassées »… Marc tente de voir et de dire « juste »…

Annick Adam
Amie, correspondante de presse